Dernières semaines de l'expo "Et si on osait la paix?" - Rétrospective 2015 (1/4)

Les archivistes du Mundaneum reviennent sur les événements marquants des derniers mois. Jacques Gillen, archiviste du Mundaneum et co-commissaire de "Et si on osait la paix ? Le pacifisme en Belgique d’hier à aujourd’hui", parle des enjeux et du travail nécessaire pour une telle exposition. Avant l’ULB cet été et le Mundaneum cet automne, elle est présentée à la Cité Miroir de Liège jusqu’au 21 février.

Pourquoi une exposition sur le pacifisme  ?

Il faut d’abord rappeler que le pacifisme fait partie intégrante de l’histoire du Mundaneum. Quand Paul Otlet et Henri La Fontaine ont créé en 1895 l’Office International de Bibliographie, l’institution dans laquelle le Mundaneum trouve ses origines, il y avait en filigrane cette idée que la connaissance que les peuples pouvaient avoir les uns des autres était un vecteur de paix. Leur projet de rassembler les connaissances du monde, de créer des outils de diffusion de cette connaissance, et même l’idée de Cité mondiale dédiée à la connaissance et à la paix s’inscrivaient dans cette perspective pacifiste. Par ailleurs, Henri La Fontaine était l’un des piliers du mouvement pacifiste de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle et un personnage central dans la construction d’associations pacifistes nationales ou internationales. Il a d’ailleurs reçu le Prix Nobel de la Paix en 1913. Pour cette exposition « Et si on osait la paix ? », il y avait une double volonté. La première était de faire un contrepoint aux commémorations de la Première guerre mondiale qui foisonnent et sont teintées de patriotisme et de valorisation de la guerre et du soldat. L’autre volonté était de montrer que les questions débattues par les pacifistes depuis la fin du XIXe siècle restent toujours très pertinentes. En ce qui concerne le désarmement par exemple, on constate que les arguments, qu’ils soient pour ou contre, restent les mêmes aujourd’hui.

Quelles sont les thématiques abordées par l'exposition ?

L’exposition est divisée en deux espaces principaux : un espace historique d’un côté, et un espace d’interpellation citoyenne de l’autre. L’espace d’interpellation citoyenne appelle le visiteur à réfléchir à des questions comme « quelle est le remède à la guerre ? », « pourquoi y a-t-il des guerres ? »... L’espace historique, lui, est structuré en trois grandes thématiques. La première s’intitule « Bâtir la paix » et s’intéresse aux moyens qui ont été envisagés par les pacifistes pour prévenir la guerre. On y évoque par exemple l’art et la littérature de la paix, la construction d’une langue internationale, le droit international, ainsi que les projets de société envisagés par les pacifistes pour établir une culture et une société favorable à la paix. La deuxième partie s’appelle « Agir par la non-violence » et s’intéresse aux positions individuelles et parfois collectives que les pacifistes vont adopter pour favoriser la paix : l’objection de conscience, c’est-à-dire le refus du service militaire (pour des raisons politiques, religieuses, morales, etc.), et la non-violence, qui s’exprime notamment par des « sit-in », la désobéissance civile ou des chaînes humaines pour s’opposer à la guerre. La troisième partie porte sur les oppositions à tout ce qui génère la guerre : l’armée, l’armement, et l’impérialisme. L’armée est évidemment le premier instrument de la guerre et s’accompagne de toute une politique d’armement. L’impérialisme fait tout de suite penser à l’impérialisme américain, mais pendant l’entre-deux-guerres, il s’agissait d’impérialisme allemand ou italien fasciste. En parallèle à ces thèmes, une ligne du temps reprend aux niveaux belge et international les événements qui ont influencé le mouvement pacifiste du milieu du XIXe siècle à nos jours.

Combien de temps a été nécessaire pour organiser cette exposition ?

Les premières réunions ont eu lieu en 2012. Le gros du travail a duré deux ans parce qu’il s’est avéré difficile de rassembler tous les documents éparpillés dans différents endroits. Une autre difficulté a été que l’historiographie du pacifisme est très maigre. Il existe une thèse et quelques articles mais pas d’étude exhaustive du mouvement pacifiste en Belgique. Il a donc fallu, pour l’exposition, retracer cette histoire. Une troisième difficulté a été de définir les thématiques que j’ai évoquées. Nous avons envisagé différentes approches mais le problème du pacifisme est que tout s’entremêle. Quand on parle de désarmement, on parle de l’armée, quand on parle de droit international, cela amène d’autres sujets. Définir les thématiques pour que le propos soit clair n’a pas été évident.

Quel a été l’apport du Mundaneum ?

Il y a un travail de commissariat d’une part, puisque le Mundaneum est coorganisateur de l’exposition, et un grand nombre de documents qui proviennent de nos collections d’autre part. L’essentiel des documents exposés proviennent des collections du Mundaneum et de l’Institut d’Histoire ouvrière, économique et sociale, mais il y en a aussi de l’AMSAB, de l’IEV, des archives de la Ville de Bruxelles, de la BNF, de collections privées... De façon plus générale, la collaboration avec d’autres institutions est importante car, outre qu’elle est l’occasion d’échanger avec les autres centres d’archives, elle permet la complémentarité en termes de collections ou de connaissances de sujets plus particuliers, et par conséquent d’enrichir un propos.